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vlad
29 décembre 2006

squatteurs de fête

C'est un peu comme une communauté. On fait ce qu'on veut, mais on n’abuse pas de l’excès. On peut maintenir le rythme sans se consumer parce qu'on est sage, même si on boit et on fume tous les soirs. Ceux qui doivent bosser le lendemain se couchent tôt. Il y en a qui sont en école d'ingénieur alors qu'ils sont arrivés là au lycée : la liberté ne nuit pas à la réussite. Le fait d'être fourrés toutes les vacances dans la même baraque à faire des soirées tous les soirs ne fait pas de nous des losers. On aime pas la société mais on a de l'avenir. Même sous une dictature on se retrouverait là-bas, à se dire que c'est dégueulasse, mais en continuant de voir les bons côtés de la vie.
On garde cette vision positive parce qu'on sait qu'on peut compter les uns sur les autres, on est solidaires, une communauté j’vous dis. Les profiteurs n'y ont pas séjour. On sait tous se démerder et on apporte chacun quelque chose. C'est un peu le paradis. Un paradis qui sent la bière.

Ce soir c'est le nouvel an, et dans la maison qui nous rassemble, vous imaginez bien que c'est plus qu'une anarchie festive...
Des jeunes complètement bourrés, défoncés, jusqu'au toit depuis la cave. Et moi je navigue entre les corps qui bougent, qui s'avachissent, qui crient et qui rejettent de la fumée. Des chants et des bruits de gratte. La chaîne qui hurle du métal, la télé qui passe un dvd des bérus. Dans la cuisine il y a de la vaisselle entassée, une énorme soupière encore sale.
Je passe par cette pièce pour aller à la cave, voir si j'y retrouve enfin le petit paquet de tabac à narguilé goût mandarine. Je descends l’escalier en titubant, sans allumer la lumière, comme d'habitude. Je manque de me ramasser sur des trucs que je ne vois pas par terre. Arrivée dans la pièce au fond j'allume la lumière.
La cave ici, c'est un peu un petit salon. Il y a des canapés, une table basse, une télé et une chaîne, un petit radiateur... Faut juste préciser que quasiment tout a été récupéré aux encombrants et que la pièce est noyée dans les rebuts en tout genre, meubles cassés de la maison, cadavres de bouteilles, mégots et capsules. Ça pue ici. Mais on s'y sent comme chez soi. Parce que rien n'est fragile. Les canapés sont confortables et quand on a froid, il y a les couvertures les plus chaudes de la rue.
Pas moyen de poser le pied à même le sol. Je commence mon investigation en farfouillant entre les coussins du canapé vert. J'entends du bruit dehors. Au-dessus aussi remarque. En fait il y a du bruit partout. Je trouve un gant à four déguisé en vache et un soutien gorge. Par la fenêtre près du plafond, je vois des gens qui arrivent vers la cave. La porte qui donne sur l'extérieur est fermée à clef. J'ai la flemme de traverser la pièce et d'aller leur ouvrir alors je les regarde en rigolant.

5 minutes plus tard je les vois débarquer. Ils sont passés par la cuisine. Je ne les connais pas et vu la vitesse à laquelle ils sont parvenus jusqu'ici ils n'ont dit bonjour à personne en haut. Pas polis.
Ils sont quatre ou cinq, emmitouflés dans leur manteau, encore imbibés du froid nocturne.
« Bonjour! »
Il y en a un qui me répond vite fait. Les autres se réchauffent un peu en parlant. Un mec avec un bonnet noir assis à ma droite sur un des fauteuils les plus moelleux demande à un de ses potes en face de rouler, puis me regarde. Je viens de tomber sur un nid de fraises tagada écrasées.
« Comment tu t'appelles? » me demande-t-il
« Daria »
On avait tous décidés de se déguiser.
« Et vous? vous êtes qui? » renvoyé-je à l'ensemble.
« On est des potes de jésus. »
Ouais super. J'ai des souvenirs géniaux avec d'autres potes de jésus. Comme la fois où quelqu'un avait failli tirer un vélo. J'ai pas très envie de rester là. Le mec au bonnet goulotte sa bouteille de whisky jusqu'au cul et la pose par terre. Elle tombe.

Les mecs continuent de parler ensemble. Je trouve toujours pas le tabac. Par contre, je récupère un briquet qui marche encore. Ça peut servir. Bon, j’me casse.
J'enjambe aussi précautionneusement que possible la mer de packs vides, mais je titube trop et manque de glisser. Je me rattrape sur l'épaule d'un mec.
« Hey! tu vas pas partir! » dit-il en m'attrapant le bras.
Je suis bourrée et joyeuse, j'ai pas envie de rester avec des mecs qui parlent entre eux. En haut, doit y avoir plus d'animation.
Je souris et essaye de me redresser. Il ne me lâche pas le bras.
« J'vais me chercher à boire! » en général, quand un mec bourré veut de la boisson, c'est sacré, on rigole et on le laisse passer.
« Ah bah non, pars pas! T'es la seule qu'on connais ici! »
Ben non, moi je vous connais pas. Il tire un peu sur mon bras, je perds l'équilibre et me retrouve assise sur le canap' entre deux quidams.
« Tu veux un joint ? »
J’ignore la proposition et essaye de me lever, le mec à ma gauche passe son bras autour de mes épaules. Là ça va pas le faire. Je grommelle.
Le mec au bonnet est assis en face de moi et me regarde avec un sourire en coin. Ça va vraiment pas le faire.

C'est le genre de moment où tu sais que ça va partir en couilles. Tu le sais, et tu peux rien faire.
« Elle est jolie ta jupe! » Son ton veut tout dire.
Merde. Je tente de réfléchir mais je suis bourrée. J'essaye encore de me lever. Une main sur chaque épaule, ils me plaquent sur le canapé, je balance des coups de pied dans le vide, puis je m'efforce de viser leurs couilles. Mes poings se serrent, pour une fois que je vais pouvoir me battre.
À la fois j'adore cette sensation d'avoir le droit de leur faire mal, et à la fois je commence à être submergée d'adrénaline. Ces mecs font quelque chose contre ma volonté et je n'arrive pas à me défendre. Je ne crie toujours pas. Je dégage mes bras et envoie une patate dans la gueule d'un mec. Trop molle, elle glisse sans lui faire vraiment mal. Ils essayent de me maîtriser, mais je suis coriace. Je gigote beaucoup et remue mes bras dans tous les sens, j'arrive à me redresser et à donner quelques coups de pieds. Coups de coude, coups de poings, ce sont quand même quatre mecs contre une fille. J'ai eu beau me libérer et faire quelques bleus, je me suis pris une tarte dans la gueule, qui m'a un peu assommée. J'ai mal au crâne et je vois de la neige. Je lutte encore mais mes lunettes sont tombées. Ils réussissent à m'installer sur le canapé, et j'ai beau me débattre, cette fois ils me maintiennent fermement. Je n'arrête pas d'essayer pour autant.
« Alors, t'es une sauvage, hein? »
Toi t'as l'air d’un connard avec ton bonnet. Il est debout et s'approche maintenant. Je lui décoche un coup de pied mais il l'évite de justesse. Il y a deux mecs qui immobilisent le haut de mon corps et mes bras, et un autre qui s'occupe de mes jambes. Je ne peux que me cambrer mais ça leur ferait trop plaisir. Bande de trouducs. Je ne vois que des taches floues à la place de leur visage mais je leur jette des regards noirs. En haut il y a du bruit, il y a des gens partout dans cette baraque. Y en a pas un qui aurait l'idée de descendre à la cave? Je gueule. J'appelle mes amis. Mais j'ai la voix déchirée à cause de la fumée, et parce que je me suis pris un coup dans la gorge la semaine dernière. Un des trublions a la bonne idée de mettre la main devant ma bouche. Je manque de lui gerber dessus et le mords autant que possible. Même quand il essaye de retirer sa main je lâche pas. Je le dévorerai en entier s'il le fallait. Encore une beigne, il récupère sa main. Je crie de plus belle. Ils essayent de me menacer. Celui qui est debout regarde le sol et se décide pour quelque chose que je reconnais être une bouteille cassée. Il aurait pu prendre un couteau. Y en a à bouts ronds par terre. Je me serais marrée au moins.

Il me cale le bout tranchant sous le nez. Je regarde vers sa tête, et je me remets à gueuler, ça me vient des tripes. Je suis furieuse. Pauvre con. Oui j'ai peur, mais ça m'emmerde moins de me faire taillader que de me faire violer. Alors vas-y, plante moi avec ton bout de verre minable mais crois pas que tu vas pouvoir prendre ton pied avec moi.
Il ose pas trop aller plus loin, il pensait que j'allais la fermer. En désespoir de cause, il me tape sur le crâne avec la bouteille. Ça m'assomme encore à moitié. Quand je reprends conscience, ils ont remonté ma jupe, viré la culotte et le caleçon de mec que j'avais mis par dessus pour pas qu'on me fasse chier ce soir. Je suis rouge de colère et de honte. Je voudrais crier encore mais j'y arrive pas tellement j'ai la gorge serrée.
Le mec qui me tient les jambes commence à me les écarter. Du coup il a moins prise, je recommence à balancer des coups de pieds. Je réussis à en foutre un à celui qui est à mes pieds et à envoyer le bonnetteux au tapis, il était en train de déboucler sa ceinture, je l'ai eu dans le ventre, ça l'a propulsé en arrière et il est tombé. Mais les trois ptits cochons étaient toujours là et m'ont remise en position. Je m'en fous il y en a un qui a la trace de ma pompe sur sa gueule.

Le mec au bonnet arrive pas à bander. Ça le met en colère et finalement c'est un de ses potes qui s'y colle. Il s'astique un peu pendant que le patron impuissant le remplace pour me tenir les épaules. Je me prends un coup dans le ventre pour me faire tenir tranquille.
Simplet arrive pas à trouver l'entrée et moi je me sens trop mal pour continuer quoi que ce soit. J'ai les larmes aux yeux et je déteste tout. Je voudrais que rien n'existe. Ce grand con essaye de me pénétrer sans enlever mon tampon. Il l'enfonce et me déchire. Je hurle. Les quatres insupportables se marrent. Je suis la douleur. Je suis la haine. Je rebouge les jambes mais ça me fait mal.
J'entends la porte de la cave qui s'ouvre comme dans un rêve. C'est le chaos dans ma tête mais comme les autres se retournent pour voir, j'en profite pour me redresser et foutre un coup de boule dans le torse de celui qui me pénètre. Je dégage mes bras mais on me maintient encore les jambes, je rabats la jupe, je me sens trop souillée pour que ce geste soit superflu. Les mecs essayent à la fois de se défendre contre moi et ceux qui viennent d'entrer. Je pleure dans ma rage et envoie mes poings dans tous les sens. On finit par me lâcher les jambes. J'ai deux envies: les taper jusqu'à la mort ou me recroqueviller et ne plus jamais bouger. C'est réglé, j'arrive pas à bouger. J'encaisse le choc. Je pleure silencieusement en me tenant le ventre. Les mecs sont en train de se battre, mais ils sont coincés dans la cave alors qu'il y a une dizaine de personnes qui arrive. Une vient à côté de moi et me parle. J'entends pas ce qu'elle dit. Je voudrais être ailleurs mais je peux pas me lever.
Devant nous les types sont fait comme des rats. Ils ne peuvent rien faire face au nombre, et mes amis ont peine à ne pas les frapper. Je ne les avais jamais vus si en colère. On me tend mes lunettes, je remets mes fringues en tremblant un peu. Je respire mieux déjà. On m'amène hors de la pièce, je voudrais rester pour me défouler sur ceux qui ont levé la main sur moi, mais on me refuse ce plaisir.

Il n'y a plus de bière. Je vole la vodka.

[cake - four letter word]

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Commentaires
I
j'ai failli en vomir sur mon pc (portable le nouveau s'aurait été dommage)c'est bien ecrit mais c'est absolument horrible ca me rapelle des vieux mauvais souvenirs a beurk j'ai encore envie de vomir
Z
Personellement cela m'est déjà arrivé, excepté le fait que c'était des filles, pas des gus. Donc ça ne me gêne pas.<br /> Sans rire, bravo. Sincèrement. Ca faisait longtemps que je n'avais pas lu un texte amateur avec la bouche grande ouverte comme ça.<br /> Bon réveillon quand même, va!
V
c'est pas du vécu.<br /> tant que j'y suis, je suis conscient que ce texte est un peu limite pour un blog alors si un lecteur estime que ce texte n'a pas sa place ici, qu'il m'envoie un mail...<br /> <br /> merci
E
texte qui prend aux tripes... j'espère que ça tient plus du génie que du vécu
vlad
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